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RISQUES PSYCHOSOCIAUX : Et si on discutait du travail ?

Troubles de la concentration, du sommeil, dépression… Un nombre grandissant de salariés déclare souffrir de symptômes liés aux risques psychosociaux (RPS). Le phénomène concerne tous les secteurs d’activités et toutes les tailles d’entreprises qu’elles soient publiques ou privées. Indépendamment de leurs effets sur la santé des individus, les RPS ont un impact sur le fonctionnement des entreprises (absentéisme, turnover, dégradation du climat social, baisse de productivité…) et leur coût est élevé (1). Il est possible de les prévenir. Le point avec François Polidori, directeur du pôle Travail & développement du Cnam Pays de la Loire, spécialiste de ces questions.


L’enquête menée par la Dares en 2009-2010 montre notamment que le travail est moins « autonome » qu’avant. Les RPS ne seraient-ils pas liés à l’organisation du travail ?
Ils le sont en grande partie. Pour prévenir les risques psychosociaux, le travail et son organisation sont à examiner de près. Cela concerne toutes les dimensions du travail : l’organisation, son contenu, les relations, les identités de métier, les marges de manœuvre. Il faut rompre l'isolement dans lequel se trouvent les salariés et reconstruire des collectifs de travail. L’enquête Sumer (2) (surveillance médicale des expositions aux risques professionnels) de la Dares démontre que la combinaison de l’augmentation de la demande psychologique (3), en partie due à l’accroissement de l’intensification du travail, et la relative diminution de la marge de manœuvre décisionnelle entraînent une évolution défavorable de l’indicateur « job-strain » ou tension au travail.

Comment intervenez-vous sur la prévention des RPS dans les organisations publiques et privées ?
Différentes approches sont possibles. Nous proposons par exemple de réaliser une cartographie des risques potentiels ainsi qu’un plan d’actions pour prévenir ces risques. Il est pour cela nécessaire de travailler sur les situations de travail avec l’ensemble des salariés concernés. Notre méthodologie repose sur des concepts de psychologie du travail partagés par des experts reconnus comme Yves Clot, professeur du Cnam (chaire de Psychologie du travail), auteur de nombreux ouvrages et articles sur ces questions (4). Les préconisations produites s’appuient sur les controverses réalisées par les salariés à partir de leurs activités et sur leurs manières de faire.

Quelles sont les conditions de réussite d’une telle démarche ?
Les dirigeants de l’entreprise doivent en premier lieu être convaincus de la nécessité d’optimiser le capital humain de l’entreprise. Et la coopération entre tous les acteurs concernés (dirigeants, managers de proximité, organisations syndicales, médecins, salariés,...) doit être encouragée. Il faut créer les conditions pour que chacun puisse échanger sur sa pratique professionnelle, pour que les salariés réinvestissent leur travail. Par ailleurs ce type de démarche engendre des attentes de la part des salariés en termes de plan d’action, de communication, de transparence… Il faut en être conscient.


(1) 7,8 % de taux d’absentéisme et 8 % des frais de personnel sont imputables, au niveau européen, au stress (fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Dublin 2007). Le coût total des tensions au travail a été évalué entre 1.9 € à 3 milliards d’euros (enquête de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail en 2007).
(2) Enquête réalisée en 2009-2010 par 2 400 médecins du travail auprès de 48.000 salariés tous secteurs confondus (privé / public)
(3) Quantité de travail, contraintes de temps, interruptions fréquentes, demandes contradictoires…
(4) Yves Clot, Le travail peut-il devenir supportable ? (2014) ; Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux (2010) ; Travail et pouvoir d’agir (2008) ; Le travail sans l’homme ? (2008)



Contact : Aline Pannetier, 06 29 38 04 39,